- SIONISME
- SIONISMESi la problématique de l’exil est centrale dans la condition juive, elle l’est en étroite association avec son envers: l’attachement à la Terre d’Israël (Eretz Israël). L’exil est arrachement à la Terre promise mais aussi attente fiévreuse du retour. Déjà, l’exilé de Babylone, du VIe siècle avant J.-C., psalmodiait: «Près des fleuves de Babel, c’est là que nous étions assis et que nous pensions, en nous souvenant de Sion» (Psaume 137).La destruction du Temple de Jérusalem par Titus (70 de notre ère) et la répression des dernières velléités d’indépendance politique au IIe siècle (soulèvement de Bar-Kokhba en 135) n’entament pas ce loyalisme envers la Terre d’Israël, qui est constamment entretenu par la pratique religieuse: lecture de la Bible et de ses commentaires, prière, liturgie synagogale. L’immigration (aliya ) continuait à se diriger vers Eretz Israël pour des motifs religieux: étude de la Torah dans les grands centres religieux du pays (Jérusalem, Safed, Hébron, Tibériade) – volonté d’être enterré dans une terre choisie par Dieu –, croyance en l’accélération de l’arrivée des temps messianiques... Pourtant, bien que le lien physique avec la Palestine n’ait jamais été rompu, le rapport à Sion devenait de plus en plus spirituel et de moins en moins réel au fur et à mesure que l’exil se prolongeait. Il faudra attendre le XIXe siècle pour que cette relation à Eretz Israël devienne à nouveau plus concrète et davantage politique.S’il appartiendra à Theodor Herzl de fonder l’organisation qui sera l’instrument de mise en pratique du sionisme, ses idées furent anticipées par d’autres penseurs dont les essais, arrivant peut-être trop tôt, n’eurent que peu d’échos. Ce sont les hommes qu’on a pris coutume d’appeler les «précurseurs du sionisme» (Mevaserei Tzion).1. De Sion au sionisme politiqueLes précurseurs du sionismeDeux périodes coupées par la ligne de fracture des années 1880 séparent le protosionisme du présionisme.Dans les années 1850-1860, une dizaine de personnes (essentiellement des rabbins) vont commencer à se faire les avocats du retour à Sion par l’action personnelle et volontaire des juifs. Ces initiateurs du mouvement national juif, représentés de façon éminente par les rabbins Yehouda Alkalaï (1795-1874; séfarade de Serbie) et Zvi Kalisher (1812-1875; ashkénaze de Prusse orientale) et, de façon plus atypique, par le philosophe allemand Moses Hess, ont tous une perception plutôt positive de l’évolution du judaïsme de leur temps. Contrairement à leurs successeurs qui auront, dans les années 1880, avec la montée de l’antisémitisme, une vision négative de l’avenir juif en Europe, ils sont persuadés que l’émancipation a inauguré une ère bénéfique pour les juifs européens. Leur souhait serait que l’octroi de la liberté individuelle, par l’obtention des droits de citoyenneté (en Occident), soit complété par la définition de droits collectifs, pour la nation juive, sur le territoire de la Palestine.Les rabbins Alkalaï et Kalisher, dans leurs deux textes, L’Offrande de Juda (Min ムat Yéhouda, 1845) et La Quête de Sion (Derishat Tzion, 1862), développent une idée tout à fait audacieuse. L’effacement politique de la nation juive en Palestine avait favorisé en exil l’adoption d’une attitude d’attente: la délivrance des juifs ne devait intervenir qu’avec l’intervention miraculeuse du Messie qui rassemblerait les dispersés en Eretz Israël. Sans nier l’intervention surnaturelle de Dieu, Alkalaï et Kalisher considèrent qu’elle suivra une phase initiale où l’homme aura joué un rôle actif. Autrement dit, le retour des juifs en Palestine, par leurs propres moyens , est une condition indispensable et préliminaire pour que se déclenche le processus messianique. Cette légitimation de l’intervention humaine, qui rompait avec le quiétisme général de l’orthodoxie juive, permettra ultérieurement la participation de certains religieux à l’entreprise sioniste.Moses Hess est lui aussi un novateur. Sa modernité est toutefois plus grande que celle des rabbins que nous venons d’évoquer. Il est en effet le premier penseur juif à tenir la «question juive» pour une question essentiellement politique qui doit être résolue dans un cadre national.Né à Bonn en 1812, Moses Hess est d’abord un théoricien du socialisme, apparemment détaché de ses origines juives. Pourtant, il publie en 1862, avec Rome et Jérusalem , un ouvrage qui détonne profondément par rapport aux idées alors en vogue dans le judaïsme allemand:– tout d’abord, Hess analyse l’antisémitisme comme un phénomène qui a pris un tour nouveau avec l’émancipation; désormais, il ne s’agit plus de l’antique antijudaïsme chrétien mais d’un véritable racisme antijuif fondé sur des critères pseudo-scientifiques, racisme qui s’est bien enraciné en Allemagne ;– ensuite, la situation diasporique est perçue comme anormale; les juifs, qui sont un peuple et non seulement un groupe religieux (comme l’affirme le judaïsme réformé), ont besoin d’une vie nationale spécifique;– la solution, dit Hess, repose dans la création d’un État juif en Palestine fondé sur des «principes mosaïques, c’est-à-dire socialistes».Critiqué par les rares personnes qui le lurent en Allemagne, Hess ne sera redécouvert qu’après la mise en place du mouvement sioniste par Herzl et honoré comme le père fondateur du sionisme socialiste (en même temps que celui de la social-démocratie allemande).Les années 1880 marquent le début de la seconde vague des précurseurs du sionisme (le présionisme), colorée par un pessimisme beaucoup plus grand quant au devenir des juifs d’Europe. Les conditions objectives font de la Russie, où résidaient cinq millions de juifs (soit la moitié de la population juive mondiale), un foyer vivant de la pensée présioniste. Le XIXe siècle y a vu naître une prestigieuse génération d’intellectuels, poètes, journalistes, écrivains: Yéhouda Leib Gordon, Peretz Smolenskin, Mikha Berditchevsky, Yoçef Haïm Brenner, Moshé Lilienblum, Ahad Ha Am...Influencés par la Haskala (les Lumières juives), ces promoteurs de la littérature hébraïque moderne constatent que l’assimilation à la Russie est impraticable. Percevant en outre comme anormale et porteuse de dégénérescence la vie juive du ghetto, cette intelligentsia, à la fois très marquée par l’éducation traditionnelle (la plupart ont fréquenté les académies talmudiques appelées yéchivot) et séduite par la modernité occidentale, va tenter de définir une identité juive nouvelle: nationale, c’est-à-dire, au moins partiellement, séculière.L’impossibilité d’échapper à l’antisémitisme s’impose à eux comme une évidence lorsque après l’assassinat du tsar Alexandre II, en mars 1881, une vague de pogroms s’abat sur les juifs russes. Elles les convainc de l’urgence de quitter la Russie pour se doter d’une vie nationale authentique en fondant des établissements agricoles en Palestine. L’existence d’une véritable société juive, distincte de l’environnement russe par sa religion, sa culture, ses caractéristiques sociales, explique que les présionistes aient insisté sur le caractère populaire du sionisme et sur le fait qu’il devait répondre à l’ensemble des problèmes (économiques, sociaux...) auxquels étaient confrontés les juifs de Russie.Le porte-parole de ce présionisme russe est toutefois quelque peu atypique puisque Léon Pinsker (1821-1891) avait été pendant longtemps un représentant du judaïsme moderniste. Médecin à Odessa, ancien tenant de l’intégration des juifs dans la société russe, Pinsker est saisi d’effroi par les sanglants pogroms de 1881 et publie l’année suivante le manifeste Auto-émancipation dans lequel il dénonce une psychose de l’antisémitisme héréditaire, et donc incurable. Une guérison n’est envisageable que lorsque les juifs auront définitivement rompu avec la situation anormale de l’Exil, qui a fait perdre au peuple juif fierté et dignité, en établissant un foyer national sur un territoire autonome (en Palestine ou en Amérique). La profession de foi de Pinsker en fera le fédérateur de la centaine de sociétés de Hovevei Tzion (Amants de Sion) qui naîtront spontanément dans l’Empire russe pour inciter les juifs à renouer avec une vie nationale en Eretz Israël.Le mouvement d’Amour de Sion (Hibbat Tzion), qui s’institutionnalise progressivement sous la houlette de Pinsker, réunit des fonds et coordonne l’action des différents groupes qui montent vers Eretz Israël et créent de nouveaux villages (Rehovot, Hadera...).Mais, tandis qu’en Palestine les dix mille pionniers qui s’installeront entre 1881 et 1904 doivent faire face à des conditions d’existence extrêmement pénibles, les Hovevei Tzion, en Russie, malgré le dévouement des militants, ne parviennent pas à devenir un authentique mouvement de masse. Dénués de théorie politique, se cantonnant dans la philanthropie, dotés de moyens financiers très modestes, les Hovevei Tzion n’offrent pas de réponse globale aux problèmes brûlants des juifs russes. Ils sont bientôt obligés de solliciter l’appui du baron Edmond de Rothschild qui sauvera les colonies juives de la faillite mais les empêchera de devenir les premiers maillons d’une société juive souveraine.En réalité, l’apport des Amants de Sion est impalpable, mais essentiel: ils vont faire germer l’idée que la survie des juifs nécessite la reconstitution d’une patrie en Palestine – idée à laquelle Theodor Herzl donnera une force et une efficacité remarquables.L’originalité du projet politique de Theodor HerzlTheodor Herzl n’a pas été le créateur du mot sionisme que le journaliste viennois, Nathan Birnbaum, avait forgé en 1890 pour désigner la renaissance politique des juifs par leur réinstallation collective en Palestine. Il n’a pas été, non plus, l’initiateur de l’idée, répandue dès 1880, du retour en Eretz Israël afin de redonner un contenu national au judaïsme. Sans son action, pourtant, le sionisme ne serait pas devenu aussi rapidement une idéologie et un mouvement politique.Né en 1860, Herzl, issu d’une famille fortement imprégnée de culture allemande, rencontra fréquemment l’antisémitisme – à l’école, à Budapest, puis à l’université de Vienne. Les confrontations régulières de Herzl avec la judéophobie, comme étudiant, juriste puis journaliste, ne le conduisent pourtant pas immédiatement à la formulation de sa théorie sioniste. La maturation sera progressive, surtout durant le séjour parisien de Herzl (1891-1895), au cours duquel il sera témoin de la croissance de l’agitation antijuive. Son rêve assimilationniste brisé, il est amené à une conclusion radicale: seule la construction d’un État peut résoudre la question juive, dans sa dimension collective, dans son épaisseur sociale. Ce thème constitue la trame du manifeste du sionisme politique, publié en février 1896: Der Judenstaat. Versuch einer modernen Lösung der Judenfrage , littéralement, «L’État des juifs. Tentative de solution moderne à la question juive». Dans ce texte fondateur, Herzl, après avoir constaté la pérennité et l’inéluctabilité de l’antisémitisme, affirme que le problème juif ne pourra être résolu que s’il est considéré avant tout comme un problème de type national.L’«État pour les juifs» devrait être créé, sous égide internationale, grâce à deux organismes, la Society of Jews et la Jewish Company. Ce que la Society of Jews aura préparé sur le plan scientique et politique, la Jewish Company l’exécutera sur le plan pratique. La première assumera essentiellement un rôle politique: agissant pour le compte du peuple juif, elle fonctionnera comme un État en formation. La seconde prendra soin de l’immigration des juifs et organisera l’activité économique dans le nouveau pays.Herzl anticipe ainsi dans sa profession de foi, sur la création de deux institutions, l’Organisation sioniste (1897) et l’Agence juive (1922). L’innovation capitale de l’ouvrage, qui est assez pauvre sur le plan des idées politiques, tient au thème unique autour duquel il est organisé: la nécessité de créer un État pour régler définitivement la question juive. Ce leitmotiv, constamment ressassé, Herzl va en faire la raison d’être du mouvement sioniste qu’il lance, en 1897, en convoquant le premier congrès sioniste à Bâle.En réunissant ce congrès, Herzl fait un pari. Déçu par les philanthropes juifs (les barons de Hirsch et de Rothschild) qui avaient témoigné d’un profond scepticisme envers son projet, il compte sur les masses juives, en particulier celles d’Europe orientale, pour former la base sociologique du mouvement sioniste. Ce soutien populaire fera du premier congrès sioniste une sorte d’«assemblée nationale constituante» du peuple juif.Dans son discours d’ouverture, Herzl souligna que la tâche du congrès était de «poser la première pierre du foyer qui abritera un jour la nation juive». Les débats s’orientèrent dans trois directions qui continuent à nourrir les réflexions dans les instances sionistes: situation des juifs en diaspora et résurgence de l’antisémitisme, perspectives de la colonisation en Palestine, politique culturelle et éducative en diaspora.Le congrès déterminera également l’armature institutionnelle du mouvement qui variera assez peu au cours des décennies suivantes ainsi que son programme politique qui ne sera révisé qu’en 1951. La structure de l’organisation sioniste est simple. L’organe suprême du mouvement, son «parlement», est le congrès sioniste qui se réunit à l’origine tous les ans (à partir de 1903, ces réunions auront lieu tous les deux ans, aujourd’hui elles se tiennent tous les cinq ans).Toute personne adhérant au programme défini par le congrès de Bâle, âgée de dix-huit ans au moins et versant un shekel , un «sicle» (du nom d’une pièce de monnaie de l’antiquité hébraïque), soit un droit d’adhésion symbolique, devenait membre du mouvement sioniste et pouvait désigner les délégués au congrès.Ce dernier désigne un comité d’action sioniste de vingt-trois membres qui est un véritable exécutif pour l’action politique au quotidien. Par la suite, deux instruments viendront parachever cette institutionnalisation: la Banque coloniale juive, constituée par souscription à partir de 1899: c’est l’organe financier; le Fonds national juif (Keren Kayemet le Israël), créé en 1901, chargé d’acquérir des terres en Palestine: c’est l’organe foncier.L’organisation sioniste doit mettre en œuvre un programme (connu sous le nom de «Programme de Bâle») qui précise que «le sionisme aspire à la création pour le peuple juif en Palestine d’un foyer garanti par le droit public». Dans ce but, quatre procédés sont privilégiés: l’encouragement de la colonisation de la Palestine par des agriculteurs, artisans et commerçants juifs; l’unification et l’organisation de l’ensemble du judaïsme; le renforcement du sentiment national juif et de la conscience nationale et des démarches préparatoires en vue d’obtenir l’appui diplomatique de la communauté internationale.Outre l’organisation et le programme politiques, Herzl a surtout donné au sionisme un bien inestimable: sa propre personne. Figure charismatique, il se dépense sans compter, jusqu’à sa brusque disparition en 1904, pour obtenir des puissances européennes une charte politique qui octroierait un État aux juifs. Cette action inlassable va faire du sionisme une réalité internationale alors même qu’il n’existe qu’à l’état embryonnaire en Palestine et que sa réception, à l’intérieur du monde juif, sera pendant longtemps problématique.2. Le sionisme sur trois fronts (1897-1917)Pour s’imposer comme un fait politique indiscutable, le sionisme a agi à trois niveaux: international (le concert des nations), régional (en Palestine), interne (dans le monde juif). Cette action combinée a commencé à l’orée du XXe siècle, bien avant que la Grande-Bretagne ne prenne possession d’une partie du Levant à l’issue de la Première Guerre mondiale.Le sionisme dans les relations internationalesHerzl, et c’est là son apport majeur, cherche à faire du sionisme un enjeu diplomatique. «La question juive» ne doit pas être envisagée dans une perspective sociale ou humanitaire, elle doit être tenue pour éminemment politique et traitée comme telle par les nations du monde. Herzl agira constamment pour qu’elle vienne sur le tapis vert des négociations diplomatiques.Dans un premier temps (1896-1902), il emploie tous ses efforts à convaincre les autorités ottomanes, alors souveraines en Palestine, d’élaborer une charte permettant l’installation des juifs. Sa proposition de principe à la Turquie ne variera pas avec les années: il s’agit d’obtenir la Palestine en échange de la promesse d’éponger la dette extérieure de la Turquie.Les négociations épuisantes que Herzl mène avec la Sublime Porte ne débouchent toutefois sur rien. Par une intuition assez remarquable, il décide d’orienter ses efforts vers la Grande-Bretagne, convaincu que cette grande puissance impériale saura comprendre les aspirations nationales des juifs.Après avoir témoigné en juillet 1902 devant la Commission royale sur l’immigration étrangère, Herzl maintiendra des contacts suivis avec les officiels britanniques, en particulier avec le ministre des Colonies, Joseph Chamberlain, qui lui propose de créer une colonie juive dans la région d’El-Arish, au nord du Sinaï en territoire égyptien, puis en Ouganda. Bien que ces propositions (et surtout la seconde) n’aient finalement pas reçu de suite, elles marquent une étape importante pour le mouvement sioniste à un triple point de vue:– les juifs sont, pour la première fois, reconnus officiellement comme une nation à part entière ayant le droit de bénéficier d’une autonomie nationale sur une base territoriale;– l’organisation sioniste apparaît comme un interlocuteur pleinement légitime;– les sionistes sont parvenus à tisser des liens suivis avec les dirigeants britanniques, liens qui se révéleront extrêmement fructueux dans les décennies suivantes.Bien qu’en son temps le sioniste russe Chaïm Weizmann, futur président de l’État d’Israël (1948-1952), se soit montré assez critique vis-à-vis du sionisme diplomatique de Herzl, il s’engagera pourtant dans cette «voie royale», après son installation en Grande-Bretagne en 1904. Là, il multipliera les rencontres avec les dirigeants britanniques, Mark Sykes, David Lloyd George et, bien entendu, Arthur James Balfour qui signera, le 2 novembre 1917, la lettre célèbre dans laquelle le gouvernement de Londres déclare envisager favorablement «l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif». Cet engagement officiel, qui constitue le triomphe posthume de la ligne diplomatique préconisée dès l’origine par Herzl, s’explique pour toute une série de raisons liées directement à la situation de guerre. Une proclamation favorable au sionisme devait surtout permettre à la Grande-Bretagne de prendre une option sur ce Moyen-Orient hautement stratégique qui allait immanquablement échapper à la suzeraineté ottomane tout en s’attirant la sympathie active des juifs de deux nations alliées, la Russie et les États-Unis, dans la lutte contre les puissances centrales.La déclaration Balfour marque un tournant capital dans l’histoire du sionisme puisque, avec son inclusion dans le mandat confié par la Société des Nations à la Grande-Bretagne (24 juill. 1922), cette dernière reconnaîtra en droit la concrétisation étatique du sionisme en Palestine. Cette déclaration est, pourtant, hautement paradoxale. Outre qu’elle porte sur un territoire que les Anglais ne contrôlent même pas encore militairement, elle donne une légitimité internationale au sionisme alors même que le sionisme reste une réalité marginale (mais dynamique), tant en Palestine que dans le monde juif.Le travail pratique en PalestineSi on la mesure en termes démographiques, la présence des juifs sionistes (c’est-à-dire de juifs mus par le désir de reconstruire un pays juif) est effectivement limitée. Ils sont dans une situation de «double minorité». En 1914, les juifs sont cinquante-cinq mille, alors que la population arabe tourne autour de six cent mille personnes. De plus, seulement douze mille juifs sont de véritables pionniers qui se sont installés dans les localités rurales nouvellement créées, le reste se partage entre des nouveaux immigrants qui ont élu domicile dans les villes (Jaffa, Jérusalem) et le vieux Yichouv (littéralement population) qui regroupe les juifs religieux se consacrant exclusivement à la prière et à l’étude de la Loi (ils étaient 24 000 en 1882, avant la première vague d’immigration). Numériquement faibles, les «troupes sionistes» vont néanmoins donner une impulsion inégalée à la présence juive en Palestine: la deuxième aliya (1904-1914) jette les premières fondations de l’État d’Israël.Cette aliya regroupe environ quarante mille individus, dans leur immense majorité originaires d’Europe orientale, qui, contrairement aux Amants de Sion des années 1880, sont armés de convictions idéologiques très fortes. Profondément marqués par l’agitation clandestine en Russie, où beaucoup ont participé à la révolution avortée de 1905, ils se réclament des idéaux du socialisme, que ce soit sous une forme réformiste (Hapoel-Hatzaïr) ou marxiste (Poalei Tzion).Nombre d’entre eux joueront un rôle de premier plan: ainsi, Itzhak Shimshelevitz, futur Itzhak Ben Zvi, qui sera le second président d’Israël, ou le jeune David Grün, plus connu sous le nom de David Ben Gourion. On peut également citer le «Tolstoï juif» Aaron David Gordon, ou l’écrivain Shmuel Yosef Agnon qui obtiendra en 1966 le prix Nobel de littérature.Les pionniers de la deuxième aliya vont avoir à mener une âpre lutte, celle de la «conquête du travail» qui sera conduite en deux étapes: la première, l’exigence du «travail hébreu» (avoda ivrit ), la seconde, la mise en place d’exploitations coopératives.Dans un premier temps, les immigrants vont exiger que les fermiers juifs les emploient en lieu et place de la main-d’œuvre arabe traditionnellement utilisée. Cette revendication connaîtra un succès partiel, mais aura aussi pour conséquence d’entretenir un climat de défiance entre ouvriers arabes et juifs. Dès 1909, l’accent sera placé sur une autre stratégie: la constitution d’une base économique autonome.L’ouverture de l’office palestinien de l’Exécutif sioniste, en 1908 à Jaffa, prend ici toute son importance. Le responsable de cette «représentation sioniste», Arthur Ruppin, est persuadé que le chômage ne peut être résorbé que par la création d’exploitations agricoles collectives, dont les capitaux proviendraient du mouvement sioniste. Sous son impulsion, la Banque anglo-palestinienne (créée en vue de financer les opérations d’achats de terre et de défrichement en Palestine) œuvre en étroite collaboration avec le Fonds national juif, pour mettre des terres à la disposition des pionniers. Le résultat est immédiat: Degania, la première kvoutza (l’ancêtre du kibboutz ) est fondée en 1909. Au même moment est créé, dans la plaine côtière, le village coopératif d’Ein Ganim qui servira de modèle au mochav ovdim qui essaimera en Palestine après la Première Guerrre mondiale. Marquée par le succès de la conquête du travail, la décennie de la deuxième aliya voit également apparaître les premières structures institutionnelles: partis politiques (Poalei Tzion, qui se réclame du marxisme sioniste de Ber Borokhov; Hapoel-Hatzaïr, de Aaron David Gordon et Haïm Arlosoroff, qui prône le travail constructif par des pionniers idéalistes); union agricole de Galilée; organisation paramilitaire d’autodéfense, Bar Giora, qui, deux ans plus tard, donnera naissance au Hashomer, l’organisation armée qui protège les colonies juives.Cette constitution d’une base autonome juive en Palestine, même quantitativement restreinte, est facilitée par la nouvelle ligne politique de l’Organisation sioniste qui, sous la pression des juifs russes, a mis l’accent sur le «travail pratique», c’est-à-dire le renforcement de la présence juive sur le terrain pour instituer un état de fait favorable aux aspirations nationales juives. Prendre pied en Palestine et commencer à bâtir cette société indépendante pouvait d’ailleurs se révéler utile pour l’éducation politique des juifs du monde en leur montrant que l’idée de la renaissance nationale, loin d’être une douce utopie, pouvait être concrétisée. Un tel effet démonstratif n’était pas négligeable, le sionisme ayant eu affaire, dès le départ, à de très fortes résistances.La lente reconnaissance du sionisme dans le monde juifBien qu’il ait nettement privilégié l’aspect diplomatique, Herzl n’avait pas négligé «la conquête des communautés», c’est-à-dire la conversion de l’ensemble de la Diaspora à la cause sioniste. Cet objectif ambitieux, Herzl et ses successeurs devront le réviser considérablement à la baisse face à la sourde indifférence, ou à la franche hostilité, de nombreux secteurs du monde juif tant en Occident qu’en Europe de l’Est.En fait, jusqu’en 1945, le sionisme est resté une idéologie, certes influente, mais tout de même minoritaire au sein du judaïsme. Le génocide des juifs d’Europe, en conférant une sorte de tragique légitimité a posteriori au sionisme, changera radicalement la situation et conduira à un ralliement quasi général autour de l’État juif naissant et au développement d’une solidarité agissante envers Israël. Le sionisme a dû affronter deux types de contestations juives dans l’avant-guerre. La première n’accepte pas l’idée de départ sur laquelle se fonde le sionisme, à savoir: la persistance historique du peuple juif. Cette critique a pris trois formes: marxiste, libérale, juive réformée.Marxiste: mise en œuvre par les juifs militant dans les divers partis communistes (Léon Trotski, Rosa Luxemburg...), elle tient le sionisme pour un phénomène bourgeois qui veut recréer artificiellement une nation juive désormais inexistante. Le salut ne peut venir, pour les juifs, que dans une union étroite avec les masses populaires qui, réalisant la révolution communiste, institueront la société sans classe.Libérale: cette critique était extrêmement répandue dans les pays d’Europe occidentale où les juifs, qui avaient accédé à la citoyenneté et s’étaient intégrés dans les sociétés d’accueil, considéraient le sionisme comme une régression politique ramenant les juifs à l’époque pré-émancipatrice.Juive réformée: bien implanté en Allemagne et aux États-Unis, le judaïsme modernisé part également d’une conception libérale de la société et voit le juif comme un simple croyant que rien ne distingue de ses concitoyens si ce n’est son appartenance à une confession différente. Le sionisme lui apparaît comme une «retribalisation» du judaïsme.La seconde critique prend le contrepied de la précédente puisqu’elle adhère à la prémisse initiale du sionisme sur la continuité historique du peuple juif. Elle conteste, toutefois, la nécessité de transférer les juifs dispersés vers la Palestine. Cette critique a pris quatre formes: socialiste, autonomiste, religieuse, territorialiste.Socialiste: défendue principalement par le Bund, l’Union générale des travailleurs juifs de Russie, Pologne et Lituanie créée en 1897, cette option insistait sur la nécessité d’octroyer l’autonomie culturelle aux juifs dans les pays où ils résidaient tout en développant la lutte des classes au sein du monde juif.Autonomiste: avancée par le grand historien juif Simon Doubnov (1860-1941), cette option défend l’idée d’un nationalisme éthique, apanage d’un peuple spirituel (les juifs), qui doit pouvoir prendre corps, en diaspora, à travers l’autonomie culturelle des communautés juives. Elle était également défendue en Russie par les sejmistes de Haïm Jitlovsky qui, entre les années 1904-1917, luttèrent pour que l’autonomie nationale juive puisse s’exercer à travers un Sejm (Diète) national représentant tous les juifs de l’Empire.Religieuse: elle repose sur la perception des juifs comme membres d’une nation religieuse, laquelle doit observer les préceptes de la Loi sans chercher à accélérer le retour des juifs en Eretz Israël. L’Agoudat Israël, créé en 1912, continue de défendre encore, aujourd’hui, ce point de vue ultra-orthodoxe.Territorialiste: l’objectif de l’Organisation territorialiste juive, active entre 1905 et 1925, était de constituer une société juive autonome sur un territoire vacant, donc pas nécessairement en Palestine. Des démarches infructueuses furent entreprises dans ce but en Mésopotamie, en Angola, au Brésil...L’extermination d’un tiers du peuple juif et la création de l’État d’Israël en 1948 ont considérablement modifié les données du problème. Le point de vue marxiste a perdu de son crédit avec l’amoindrissement du pouvoir d’attraction du communisme (d’autant qu’un antisémitisme parfois sournois, parfois officiel, avait droit de cité en Europe de l’Est). Quant aux juifs libéraux et réformés, ils se sont convertis au sionisme, et des organisations, comme le Conseil américain pour le judaïsme qui persévère dans la voie non sioniste, sont clairement marginales.Le Bund, le volkisme de Doubnov et le sejmisme ont sombré, emportés par l’instauration du communisme en Russie et par l’épouvantable saignée de la Seconde Guerre mondiale. Bien que considérablement diminué par le génocide, le judaïsme ultra-orthodoxe est parvenu, à force d’obstination, à reconstituer ses forces. Tout en continuant à refuser au sionisme toute légitimité religieuse, il s’est néanmoins accommodé, de facto, de l’existence de l’État juif.L’acceptation générale de la réalité et de la centralité politique d’Israël dans le monde juif contemporain tranche avec la situation précaire du sionisme avant 1917 et avec les contestations dont il fut l’objet jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Ce succès, le sionisme le doit pour une grande part à l’émergence progressive d’une réalité para-étatique dans la Palestine mandataire.3. L’État en route (1917-1948)Le mandat remis à la Grande-Bretagne par la S.D.N. stipulait expressément que les autorités britanniques devaient «placer le pays dans les conditions politiques, administratives et économiques garantissant l’établissement d’un foyer national juif». Très rapidement, toutefois, l’hostilité des Arabes face à «l’invasion sioniste» qui prend la forme d’émeutes antijuives (1920, 1921, 1929) conduit les Anglais à adopter une politique extrêmement précautionneuse vis-à-vis de la communauté juive de Palestine. Si celle-ci se renforce, au cours de la période mandataire, dans un contexte historique de plus en plus difficile (montée du nazisme en Europe, «grande révolte arabe» emmenée par le mufti de Jérusalem de 1936 à 1939), elle le doit essentiellement à l’obstination des dirigeants sionistes qui, patiemment, vont veiller à sa consolidation économique, sociale, militaire, culturelle et, bien entendu, politique.Le triomphe du «sionisme étatique»Bien que le mouvement sioniste, tel que conçu par Herzl, ait été centré sur la construction d’un État, il a toujours été caractérisé par un fort pluralisme idéologique, et donc par l’existence de courants qui entendaient donner un contenu national au judaïsme tout en étant enclins à un certain minimalisme politique.Trois types de réticences ont ainsi accompagné l’expansion du sionisme. La première, qui trouva en A ムad Ha Am (peudonyme du juif russe, Asher Ginsberg, 1856-1924), son avocat le plus brillant, est d’ordre culturel . Pour lui, l’expression la plus authentique d’une nation est sa culture, terme qui désigne non seulement les productions intellectuelles, mais aussi les représentations religieuses, les principes moraux, et jusqu’aux activités économiques.Les activités culturelles, par lesquelles le peuple juif exprime son génie propre, ont besoin pour se développer d’un centre spirituel, édifié en Palestine, qui exercera son influence sur l’ensemble de la nation juive dont la majorité continuera à résider hors du pays. Ce centre est donc national, non pas dans un sens strictement politique, mais dans un sens culturel et éducatif: il permet la dissémination de la langue et de la culture hébraïques à travers toute la Diaspora, solidifiant ainsi le sentiment d’unité.Ce sionisme culturel, trop «élitiste», n’aura qu’une audience quantitativement limitée mais il entretiendra, chez de nombreux sionistes de l’Est, un vif intérêt pour les questions culturelles qu’atteste la fondation, dès 1925, de l’Université hébraïque de Jérusalem. Il exercera également un profond attrait sur le philosophe Martin Buber (1878-1965) qui fut le représentant le plus éminent d’un sionisme éthique , soucieux de construire une société pleinement fraternelle mais rétif à la toute-puissance de l’État. Le sionisme doit, à ses yeux, rester fidèle à l’idéal prophétique en tentant de réaliser, sur terre, l’utopie communautaire (dont le kibboutz est le prototype). Il ne doit pas faciliter le repliement nationaliste mais, au contraire, déboucher sur l’ouverture à l’Autre. Buber et d’autres intellectuels rassemblés dans des groupes comme l’Alliance pour la paix (Brit Shalom) militèrent donc, sans succès, pour l’édification d’un État binational, judéo-arabe, en Palestine.Enfin, la troisième réserve vis-à-vis d’une excessive politisation du sionisme a été émise par les juifs orthodoxes, fidèles à la tradition religieuse. Si la majorité d’entre eux ont été, dès l’origine, violemment opposés au sionisme, tenu pour une hérésie cherchant à promouvoir par des moyens humains le retour des juifs à Sion alors même qu’il est du seul ressort de Dieu, une minorité s’est rassemblée, dès 1902, au sein du parti Mizra ムi (acronyme pour «centre spirituel») pour soutenir l’entreprise sioniste en lui donnant une légitimité religieuse. Le sionisme religieux fait ainsi montre d’une attitude positive envers le projet national juif même si, en l’inscrivant dans la perspective messianique de la rédemption d’Israël, et du monde, elle ne considère le passage par la politique (et la création de l’État) que comme un simple moyen pour réaliser la vocation spécifique des juifs comme peuple théophore.Ces trois variantes du sionisme qui minimisaient l’aspect politique n’ont exercé qu’une influence marginale sur le devenir du mouvement qui sera de plus en plus dominé, pendant l’entre-deux-guerres, par les tenants d’un sionisme résolument étatique. Les partisans de la création d’un État juif souverain se retrouvent dans trois familles politiques. La plus ancienne, celle qui bénéficie initialement de la plus forte représentation politique, regroupe, sous la houlette de Chaïm Weizmann, de larges secteurs des classes moyennes juives qui sont unies autour d’un seul objectif: œuvrer pour l’édification d’un foyer national juif en Palestine. Ce sionisme dépourvu d’a priori idéologique trop tranché (d’où sa dénomination de «sionisme général») perdra progressivement du terrain face à deux concurrents, fortement idéologisés, le révisionnisme et le sionisme socialiste. Le premier apparaît en 1925 sous l’impulsion de Vladimir Jabotinsky (1880-1940) qui reproche à «l’establishment sioniste» son immobilisme et sa complaisance à l’égard des Britanniques et aspire à la définition d’un sionisme nouveau, plus offensif et déterminé. Deux idées essentielles guident sa démarche: promouvoir une armée juive qui puisse participer à la libération nationale des juifs (cette tâche incombera à la fin des années 1930 à l’Irgoun dirigé par Menahem Begin); respecter l’intégralité du sionisme, en particulier sur le plan territorial (rejet de la cession de la Transjordanie à l’émir Abdallah en 1921). Bien qu’il reste minoritaire durant la période mandataire, le révisionnisme s’imposera, grâce à son activisme nationaliste, comme une force politique durable qui parviendra finalement au pouvoir, dans l’État d’Israël, en 1977. Sa progression aurait été plus rapide s’il n’avait eu à s’imposer face à un puissant courant sioniste socialiste, qui devient, définitivement, la force politique dominante en 1933. Cette suprématie politique, le sionisme socialiste, représenté à partir de 1930 par le Mapaï, et sa figure de proue, David Ben Gourion, la doit au rôle déterminant qu’il a joué, dans la construction du pays, avec la promotion du travail pionnier (haloutziout ) qui devait servir à régénérer les juifs et à remédier à leur structure sociale inversée (hypertrophie des classes moyennes). Libération sociale et nationale vont de pair: le sionisme socialiste est, avant tout, un constructivisme qui ne vise pas la destruction de l’ordre ancien mais la patiente élaboration d’une société nouvelle que viendra coiffer un État souverain.L’émergence d’un quasi-État juif en PalestineLes institutions politiquesLe Yichouv se dote progressivement d’une autonomie politique de plus en plus affirmée avec la mise en place d’institutions représentatives.L’Organisation sioniste, désignée en 1922 comme une «Agence juive» appelée à coopérer avec la puissance mandataire pour la mise en place du foyer national juif, acquiert un poids politique de plus en plus considérable, en particulier après 1929, lorsque des juifs non sionistes (essentiellement des donateurs américains) commencent à être associés à son fonctionnement.L’élection en 1935 de David Ben Gourion à la tête de l’Exécutif de l’Agence juive à Jérusalem donnera un poids renouvelé à cet organisme. Elle marquera également le recentrement définitif du sionisme sur Eretz Israël, plaçant Londres, qui était jusqu’alors le point névralgique du sionisme, en situation périphérique.L’Agence juive se transforme à partir des années 1930 en un véritable gouvernement potentiel. La preuve en est d’ailleurs que son président, Ben Gourion, deviendra le premier chef du gouvernement d’Israël tandis que le chef du département politique de l’A.J. (Moshe Sharett) sera nommé ministre des Affaires étrangères et le trésorier (Eliezer Kaplan) ministre des Finances.Le pouvoir véritable appartient bien plus à l’Agence juive qu’aux instances spécialisées représentant les juifs de Palestine: l’Assemblée des élus et le Conseil national.La première est un organe parlementaire élu par l’ensemble de la communauté juive (Knesset Israël), qui se réunit pour la première fois en 1920 et rassemble quatre courants politiques: la gauche sioniste, dominante dès l’origine, le sionisme religieux, la droite (sionistes généraux et révisionnistes), les séfarades. Plus qu’à ce parlement symbolique qui, bien qu’il fixait le montant des taxes dans le secteur juif et votait le budget, ne se réunissait que quelques jours par an, le véritable pouvoir appartenait, en Palestine, au Conseil national (Vaad Leumi).Il remplissait essentiellement des fonctions administratives (implantations et acquisition de terres, éducation, santé, affaires sociales...) puisque l’autorité politique suprême revenait à l’Agence juive et permit ainsi la mise en place d’une bureaucratie qui sera prête à fonctionner au moment de la création de l’État d’Israël.L’infrastructure interne du YichouvLa société juive se structure progressivement, surtout grâce à l’action déterminante des partis politiques qui vont intervenir massivement dans les activités les plus diverses afin de répondre aux besoins d’une population juive, en constant renouvellement du fait de l’immigration. La gauche sioniste créera deux institutions qui auront un rôle déterminant dans l’émergence d’une société juive homogène.En 1947, la Haganah avait quarante-cinq mille hommes répartis dans la police surnuméraire (sous contrôle des autorités mandataires), les brigades de jeunes, les unités de garde, l’infanterie et, surtout, le Palmakh, l’unité d’élite des kibboutzim. Cette armée semi-clandestine, était étroitement associée à la Histadrout (Fédération générale des travailleurs d’Eretz Israël), fondée en décembre 1920 qui, dès le départ, a donc été bien plus qu’un simple syndicat. Elle a eu également un rôle déterminant dans la consolidation du Yichouv sur les plans économique (entreprises, coopératives, kibboutzim, mochavim), médical (cliniques de la Koupat Holim, caisse d’assurance maladie) et culturel (écoles du «courant ouvrier», associations sportives et culturelles, maisons d’édition, journaux).Le pays connaît un essor dans les domaines les plus divers. Économiquement, l’industrie prend un élan nouveau (agro-alimentaire, textiles, construction) avec l’arrivée de deux cent cinquante mille juifs allemands, chassés par les persécutions hitlériennes. Sur le plan éducatif, l’hébreu, reconnu comme langue officielle en Palestine (aux côtés de l’anglais et de l’arabe), s’impose comme une authentique langue nationale, grâce au développement du système scolaire et d’une littérature hébraïque foisonnante (Agnon, Bialik, Greenberg...).La proclamation de l’indépendance de l’État d’Israël le 14 mai 1948 est le couronnement d’une politique concertée, menée en profondeur, depuis le début du siècle et intensifiée sous la période mandataire avec le développement de l’autonomie de Yichouv. L’État vient donc coiffer une véritable société qui, régulièrement étoffée par des apports humains, dispose de structures économiques, sociales, éducatives et est dirigée par des institutions quasi gouvernementales. L’avènement de l’État, qui s’est fait dans le fracas des armes, posait la question cruciale du devenir du sionisme, à la fois comme mouvement politique et comme idéologie.4. Le sionisme après la création de l’État d’IsraëlPour Ben Gourion, l’existence d’un État souverain devait, logiquement, conduire à la liquidation définitive de la Diaspora (shli ムat hagola) par l’immigration massive de tous les juifs. Cette perspective devait donc, à terme, amener la dissolution pure et simple du sionisme. À contrecœur, Ben Gourion dut toutefois bien reconnaître que, même si une vague d’immigration considérable submergea le pays (près de 700 000 personnes entre 1948 et 1951), la grande majorité des juifs ne tenait pas à quitter «les pays d’exil». Pragmatique, Ben Gourion accepta que le sionisme organisé continue d’avoir une existence autonome, à charge pour lui d’apporter à l’État d’Israël, matérialisation tangible de l’idéal sioniste, un soutien non seulement politique et financier, mais existentiel.La continuité du sionisme comme structureL’État d’Israël n’est pas uniquement l’État de ses seuls citoyens, juifs et arabes, mais aussi, potentiellement, celui des juifs de la Diaspora qui, en vertu de la loi du retour (1950), bénéficie d’un droit naturel à immigrer et à obtenir, automatiquement, la nationalité israélienne. Le caractère sioniste de l’État d’Israël qui se manifeste clairement au travers de cette disposition se retrouve dans l’aménagement institutionnel qui codifie les relations entre l’État et l’Organisation sioniste mondiale.Cette dernière, qui agit au nom de l’ensemble du peuple juif, est habilitée à prendre en charge l’installation et l’éducation des nouveaux immigrants.En 1971, afin de favoriser l’intervention active des juifs de la Diaspora dans la construction du pays, l’Agence juive, qui faisait jusqu’alors corps avec l’Organisation sioniste, fut dotée d’une autonomie véritable en associant, sur une base paritaire, les représentants de l’O.S.M. (Organisation sioniste mondiale) et ceux des organes de collecte de fonds en diaspora (American Jewish Appeal aux États-Unis, Keren Hayessod dans les autres pays, dont la France).Le congrès sioniste, qui se réunit tous les cinq ans, reste le «parlement» du sionisme organisé. Il est composé pour un tiers de délégués israéliens (répartis en fonction du poids politique de leur parti à la Knesset), un tiers d’Américains et un tiers de délégués d’autres pays, élus dans le cadre des organisations sionistes nationales.Le programme sioniste de 1968 qui est toujours en vigueur insiste sur l’unité du peuple juif et la centralité d’Israël, le rassemblement des juifs en Eretz Israël et l’encouragement à l’éducation juive et hébraïque en diaspora. Dans les années 1980, l’O.S.M. a insisté sur une double tâche:– élargir la participation des juifs de la Diaspora aux activités de l’O.S.M. afin d’en faire une structure plus ouverte et moins bureaucratique; dans ce but ont été accueillis trois mouvements religieux (réformés, conservateurs, orthodoxes) ainsi que la Fédération séfarade mondiale;– souligner la nécessité d’accomplir personnellement le sionisme par l’aliya.Par la médiation de l’O.S.M., de l’Agence juive ou du Fonds national juif en charge de la bonification des terres, les juifs de la Diaspora expriment leur participation à la construction du pays en apportant un soutien avant tout financier.Depuis 1948, environ douze milliards de dollars ont été versés, sous forme de dons, après collecte dans plus de soixante-dix pays de la Diaspora. Les deux tiers de cette somme proviennent toutefois des États-Unis, ce qui justifie pleinement la remarque d’un commentateur américain: «Si on le mesure à l’aune de la collecte de fonds, le sionisme américain est le groupe d’intérêt à caractère politique le plus performant de notre histoire nationale.»Cet appui financier, qui était relativement modeste dans l’entre-deux-guerres, connaîtra un développement significatif après 1945-1948, avec la conversion générale du monde juif américain au sionisme. L’United Jewish Appeal, qui fonctionne aux États-Unis, a envoyé 3,5 milliards de dollars en Israël entre 1948 et 1979. Au cours de ses campagnes annuelles, l’U.J.A. collecte environ 300 millions de dollars pour le logement, les implantations rurales, l’absorption des immigrants... Dans les autres pays, le Keren Hayessod rassemble environ 150 millions de dollars par an.Une mobilisation accrue s’opère au cours des périodes de crise (après 1967 et 1973) et d’immigration massive. Ainsi, l’U.J.A. a lancé une campagne spéciale en 1990-1993 destinée à réunir 420 millions de dollars pour faciliter l’intégration des juifs soviétiques (180 000 en 1990).L’aide financière prend aussi la forme de prêts, concédés à des taux fort avantageux, par la State of Israel Bonds Organization créée en 1951 aux États-Unis. Ces prêts, qui servent à financer des projets économiques à long terme, sont effectués non seulement par des juifs, mais aussi par des banques, entreprises et syndicats qui manifestent ainsi leur soutien à l’État d’Israël (entre 400 et 500 millions de dollars sont rassemblés annuellement). Cette contribution financière volontaire, qui est, pour la Diaspora, le moyen privilégié d’exprimer sa solidarité active envers Israël, s’accompagne d’un important appui politique.En Occident, les communautés juives se sont dotées, à l’échelle nationale, d’une représentation unique qui a pour mission de défendre les intérêts des juifs auprès des pouvoirs publics: Board of Jewish Deputies en Grande-Bretagne ou Conseil représentatif des institutions juives de France (C.R.I.F.). Ces instances, qui se défendent d’intervenir dans les affaires intérieures d’Israël, accordent généralement un soutien de principe à l’État juif qu’elles expriment au cours de leurs consultations régulières auprès des autorités politiques.Étant donné le rôle majeur des ÉtatsUnis au Moyen-Orient, c’est toutefois aux juifs américains qu’incombe en priorité la tâche de défendre Israël. Deux groupes de pression s’y emploient plus particulièrement: la conférence des présidents des grandes organisations juives américaines, qui intervient auprès de la Maison-Blanche et du Département d’État pour tout ce qui a trait aux relations israélo-américaines, et l’A.I.P.A.C. (American Israel Public Affairs Committee), lobby constitué auprès du Congrès américain, qui a pour tâche de renforcer l’aide militaire et économique à Israël tout en contrecarrant l’octroi d’aide militaire aux États arabes.Bien que le soutien, presque sans faille, que les États-Unis ont apporté à Israël depuis la fin des années 1960 ait été justifié par la défense de leurs propres intérêts vitaux de grande puissance, il est toutefois indéniable que l’activisme politique de la communauté juive américaine a été un adjuvant fort précieux, entre autres, pour que l’aide économique des États-Unis à Israël (3 milliards de dollars par an) reste à un niveau au moins constant.Ponctuellement, les institutions juives représentatives organisent des manifestations pour soutenir Israël dans des périodes difficiles (après la guerre de Six-Jours ou celle de Kippour) ou protester contre certaines initiatives de politique étrangère (contre la venue de Yasser Arafat à Paris, en mai 1989).Cet appui multiforme pratiqué à Israël par les forces vives du «judaïsme institutionnalisé» de la Diaspora prouve, incontestablement, l’attachement profond de la majorité des juifs envers cet État qui est vécu comme le signe et la source de la plénitude juive. L’État d’Israël est devenu le pôle de l’identité juive moderne; il a acquis, pour des juifs largement acculturés et sécularisés, une sorte de centralité ontologique. Paradoxalement, l’existence de cet État, gage de sécurité et source de fierté, est devenue un moyen nécessaire et suffisant pour assurer la pérennité de la Diaspora (tout au moins dans les nations démocratiques). La relation dynamique entre l’État d’Israël et la Diaspora est désormais moins asymétrique que par le passé.La crise du sionisme comme idéologieJusqu’à la fin des années 1960, la conception palestino-centrée de Ben Gourion faisait de la Diaspora un simple pourvoyeur de fonds qui, à défaut de disparaître dans un avenir proche, devait au moins être cantonnée dans une situation de stricte subordination. Ce type de relations, avec une périphérie diasporique gravitant autour d’un centre israélien, a fonctionné jusque vers 1973, c’est-à-dire tant que la Diaspora, habitée par une certaine mauvaise conscience de ne pas participer pleinement à l’aventure d’Israël, acceptait de se placer volontairement en retrait. Après la guerre de Kippour, qui a mis à mal l’illusion de la toute-puissance d’Israël, un rééquilibrage des relations entre les deux partenaires s’est opéré. L’hostilité internationale à laquelle Israël fut confronté dans les années 1970 (en novembre 1975, l’O.N.U. considérait le sionisme comme une forme de racisme) et l’émergence de la centralité de la Shoah dans le destin juif contemporain furent à l’origine de cette redécouverte de l’unité fondamentale du peuple juif, dont les composantes sont localisées en différents endroits de la planète, mais avec des droits égaux.Cette idée de partenariat légitime davantage l’intervention des communautés juives de diaspora dans les «affaires intérieures» d’Israël, qui varie toutefois beaucoup selon les questions:– Elle est forte lorsque la question débattue en Israël (exemple type: controverse sur «qui est juif?») a des conséquences directes sur la judéité des juifs de diaspora (d’où la mobilisation très forte en novembre-décembre 1988 pour contrer tout amendement à la loi du retour).– Elle est plus modérée, mais tangible, lorsque l’attitude d’Israël risque d’avoir des conséquences négatives sur la situation des juifs de diaspora. Ceux-ci ont toujours cherché à concilier leur soutien à Israël avec l’affirmation de leurs droits de citoyens dans leurs nations respectives, et cela afin d’éviter tout reproche de double allégeance. C’est ainsi que les juifs américains critiquèrent franchement la légèreté du gouvernement israélien lors de l’affaire Pollard (1985), cet officier de l’U.S. Navy qui faisait de l’espionnage pour le compte d’une unité de contre-terrorisme du ministère israélien de la Défense.– Elle est plus discrète lorsqu’il s’agit de questions de sécurité, de politique étrangère et des relations avec les Palestiniens. La guerre du Liban en 1982 avait toutefois commencé à fissurer le consensus général de la Diaspora autour d’Israël et à élargir les critiques au-delà de certains cercles intellectuels ou de la gauche radicale. La révolte des pierres, commencée en 1987, a nettement accentué cette distance critique, non à l’égard de l’État d’Israël, mais du comportement politique du gouvernement en place. De nombreux responsables juifs, notamment aux États-Unis, ont désapprouvé la répression dans les territoires. Certains (par exemple au sein de l’American Jewish Congress) ont fait des démarches auprès du gouvernement d’Israël pour qu’il accepte la tenue d’une conférence internationale avec les Palestiniens tandis qu’une minorité est allée jusqu’à une rencontre officielle avec Yasser Arafat (à Stockholm, en 1988).Depuis le milieu des années 1970, la Diaspora a donc acquis une plus grande maturité dans ses relations avec Israël. Tout en manifestant une solidarité fondamentale avec l’État hébreu, elle craint moins que par le passé de le critiquer, voire de faire pression sur lui, lorsque la politique adoptée lui paraît contestable, y compris dans des domaines comme les relations israélo-arabes, sur lesquels les dirigeants de la Diaspora évitaient, jusqu’il y a peu, d’empiéter.Cet équilibre nouveau – qui se rompt parfois, au profit de la Diaspora, comme lorsque le Likoud et le Parti travailliste, à parité égale dans le gouvernement d’union nationale entre 1984 et 1990, cherchaient des appuis extérieurs pour s’imposer en Israël même – est la conséquence de l’atonie qui a frappé le sionisme. Comme idéologie de libération nationale du peuple juif, sa réussite a été réelle mais incomplète puisqu’il n’est pas parvenu à réaliser le «rassemblement des exilés» (kibboutz galouyot) auquel il aspirait. Ce demi-succès – seul un quart de la population juive mondiale réside en Israël – est à l’évidence lié à des conditions objectives comme la bonne intégration sociale et économique des juifs dans les pays occidentaux, l’absence d’antisémitisme trop prononcé ou, par contraste, l’insécurité relative d’Israël dans un environnement régional instable.Il est également lié à la neutralisation de la capacité de mobilisation du sionisme, qui a résulté de la création de l’État. La réalisation de cet objectif cardinal a requis des énergies considérables, à la mesure de l’enjeu et de la précarité de l’existence d’Israël. L’obtention de la souveraineté politique et sa défense, si importantes soient-elles, ne constituent pas toutefois l’alpha et l’omega de l’idée sioniste telle qu’elle a pris corps à l’orée du XXe siècle. Le sionisme véritable ne peut considérer l’indépendance politique comme une fin en soi, mais seulement comme un moyen pour regrouper la majorité des juifs en Israël et faire de ce pays un centre civilisateur, sur les plans social, culturel et religieux. Cet aspect «idéaliste» a été oblitéré, transformant progressivement le sionisme, enfermé dans la logique d’État, en pro-israélisme. En ce sens, on peut diagnostiquer une «crise du sionisme» qui, en perdant son élan visionnaire (dont les kibboutzim sont une incarnation passée), s’est également privé de sa force d’entraînement vis-à-vis de la Diaspora. Cette dernière y a gagné une plus grande autonomie tout en affirmant, par son soutien financier et politique, un attachement symbolique et existentiel envers cet État qui représente, suivant l’image du sociologue Peter Berger, «un signe de la transcendance» pour les juifs à travers le monde.• 1886; de Sion, montagne de Jérusalem♦ Mouvement politique visant à l'établissement puis à la consolidation d'un État juif (la Nouvelle Sion) en Palestine.sionismen. m. HIST Mouvement, doctrine qui visait à la restauration d'un état juif indépendant en Palestine, et qui fut à l'origine de la fondation de l'état d'Israël (mai 1948).|| Par ext. Idéologie des partisans de l'état d'Israël.⇒SIONISME, subst. masc.Mouvement politique et religieux né de la nostalgie de Sion, permanente dans les consciences juives depuis l'exil et la dispersion, provoqué au XIXe s. par l'antisémitisme russe et polonais, activé par l'affaire Dreyfus, et qui, visant à l'instauration d'un Foyer national juif sur la terre ancestrale, aboutit en 1948 à la création de l'État d'Israël. Sionisme religieux, socialiste. Il est (...) plus d'une sorte de sionisme: sionisme sentimental et philanthropique, sionisme « culturel », sionisme politique, d'accord seulement sur la renaissance de l'« ethnos » d'Israël et sur ses possibilités d'avenir (WEILL, Judaïsme, 1931, p. 68). Ce petit livre [l'État juif] est comme le faire-part de naissance du sionisme politique, celui pour lequel Herzl luttera sans trêve, pendant les huit années qui lui restent à vivre (R. NEHER-BERNHEIM, Hist. juive de la Renaissance à nos jours, Paris, Durlacher, t. 2, 1965, p. 372).REM. 1. Antisionisme, subst. masc. L'antisémitisme est l'expression consacrée pour désigner exclusivement la haine des juifs à travers les siècles. Les années 60 ont forgé un autre mot pour désigner une forme déguisée de cette haine gratuite: l'antisionisme (L'Arche, oct. 1986, p. 66, col. 1). 2. Antisioniste, adj. et subst. Comité soviétique antisioniste (Agence télégraphique juive, 10 oct. 1986, p. 2, col. 2-3).Prononc. et Orth.:[
]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. [1886 (d'apr. ROB., s. réf.)] 1897 (DRUMONT ds La Croix, Suppl., n ° 4405, 31 août, p. 1 c: la question du Sionisme ou le rétablissement d'un État juif); 1898 (Le Figaro, 10 juin ds Studier i modern Språkvetenskap, t. 1, 1898, p. 19: rabbin Mohilever, le fondateur du sionisme); ca 1899 (Gde Encyclop. t. 25, p. 871a). Empr. à l'all. Zionismus, mot créé par l'écrivain Nathan Birnbaum (1864-1937, pseudonyme: Mathias Acher) en 1886 dans sa revue Selbstemancipation (KLEIN Etymol., s.v. Zionism et Lexikon des Judentums, s.v. Zionismus); dér., au moyen du suff. -ismus (-isme), de Zion « Sion, nom d'une des collines de Jérusalem, puis, p. ext., de la ville elle-même » (hébr. biblique
).
DÉR. Sioniste, adj. et subst. a) Adj. Qui est relatif, qui est propre au sionisme. Mouvement, programme sioniste; congrès, exécutif sioniste. L'idée sioniste a ses lointaines origines dans les antiques prophéties messianiques (Ezéchiel, Isaïe II, etc.) qui associaient à l'espoir du retour à Sion des tribus dispersées, la vision de la paix universelle (E. FLEG, Anthologie juive, Paris, Flammarion, 1951, p. 639). L'organisation sioniste mondiale a été fondée à Bâle en 1897 sous l'impulsion directe de Theodor Herzl (MEYNAUD, Groupes pression Fr., 1958, p. 334). b) Adj. et subst. (Celui) qui adhère à ce mouvement. Délégué, dirigeant sioniste; penseur sioniste. Le premier geste des sionistes sur la terre des ancêtres fut d'attester par un symbole cette résurrection de l'esprit et de la langue juive. Là-haut, sur le Mont des Oliviers (...), ils ont posé douze pierres — autant que de tribus d'Israël — les douze pierres de fondation de l'université hébraïque (THARAUD, An prochain, 1924, p. 232). Il y a des pays sur lesquels on a une foule d'opinions avant d'y avoir mis les pieds; et qui, les pieds mis, vous désarçonnent et chamboulent vos a priori. C'est ce qui s'est passé entre Israël et moi qui ne suis pas juive, et pour qui le mot sioniste rimait avec expansionniste (Femme pratique, mars 1980, n ° 199, p. 4). — []. Att. ds Ac. 1935. — 1res attest. [1886 (d'apr. ROB., s. réf.)] 1898 subst. (C. WAHLUND ds Studier i modern Språkvetenskap, t. 1, 1898, p. 19: en 1897 a eu lieu, à Bâle, un Congrès des sionistes); 1898 adj. et subst. (La Libre Parole, 31 août ds Hist. de France à travers les journaux du temps passé, La Belle époque, 1898-1914, éd. A. Rossel, p. 35: le deuxième congrès sioniste [...] les sionistes); de sionisme par substitution de suff. (-iste), cf. l'angl. Zionist (1896 ds NED). — Fréq. abs. littér.: 13.
sionisme [sjɔnism] n. m.ÉTYM. 1886, mot créé par N. Birnbaum, de Sion, nom d'une des montagnes de Jérusalem, et, par ext., de la ville elle-même.❖♦ Mouvement politique et religieux visant à l'établissement puis à la consolidation d'un État juif (la Nouvelle Sion) en Palestine. || Le sionisme a précédé la création de l'État d'Israël.❖DÉR. Sioniste.COMP. et CONTR. Antisionisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.